Avec la récente décision de la Cour suprême d’élargir les moyens de défense disponibles pour les actions en diffamation, des responsabilités supplémentaires s’ajoutent. Les journalistes doivent maintenant débattre de ce qui constitue un journalisme responsable, écrit Cecil Rosner.
Avec la récente décision de la Cour suprême d’élargir les moyens de défense disponibles aux actions en diffamation, des responsabilités supplémentaires s’ajoutent.
Les journalistes doivent maintenant débattre de ce qui constitue un
journalisme responsable, écrit Cecil Rosner.,
Maintenant que la Cour suprême du Canada a établi un nouveau moyen de défense contre la diffamation — communication responsable sur une question d’importance publique — il sera intéressant de voir à quel point le consensus journalistique se développe sur ce qui constitue exactement la communication responsable.
Il ne fait aucun doute que la décision de la Cour modernise la loi canadienne sur la diffamation et offre une plus grande marge de manœuvre aux journalistes pour enquêter sur des questions d’importance publique., Mais cela impose également une charge plus grande aux journalistes et aux organes de presse de débattre et de perfectionner constamment les méthodes et les principes. Cela est particulièrement vrai quand il s’agit de journalisme d’investigation.
Par exemple, est-il responsable pour les agences de presse d’utiliser des caméras cachées? Certains le font, d’autres non. Est-il responsable pour les journalistes de se représenter faussement dans la collecte d’informations? Certains le font, d’autres non. Qu’en est-il de l’entrevue dite d’embuscade ou de butoir? Les tribunaux jugeront-ils que c’est un jeu équitable?,
Même lorsqu’il s’agit de prendre des décisions plus routinières dans le processus journalistique, il existe des différences entre les organisations. Certains éditeurs et directeurs de nouvelles de la ville publieront les noms de toute personne accusée d’une infraction pénale. D’autres supprimeront les noms des personnes accusées de crimes sexuels. Certains ne publieront les noms des accusés que s’ils ont l’intention de suivre l’histoire pour s’assurer qu’un acquittement éventuel ou l’abandon des accusations ne sont pas manqués. Laquelle de ces approches est la plus responsable?,
Et jusqu’où les journalistes devraient-ils aller pour exposer les moindres détails de la saga Tiger Woods?
Ce ne sont pas tous les organismes de presse au Canada qui ont un code d’éthique établi, et je soupçonne que peu de blogueurs en ont un non plus. L’absence d’une politique écrite ou d’un ensemble de lignes directrices peut conduire à des décisions ad hoc lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est responsable et ce qui ne l’est pas. Certains journalistes ont tendance à le faire au fur et à mesure, arguant que leur instinct est le meilleur test pour ce qui se sent bien.,
Même lorsqu’il existe un ensemble écrit de pratiques journalistiques, il existe des zones grises. Bien que certaines pratiques soient mal vues, elles peuvent être considérées comme acceptables dans des circonstances exceptionnelles. Ce que sont ces circonstances devient une question d’interprétation subjective. Il serait difficile d’imaginer une bible absolue des lois journalistiques qui fournirait une réponse claire à chaque fois sur la question de savoir si un acte était responsable ou non.
Même la Cour suprême n’est pas prête à dire définitivement quelles pratiques sont responsables et lesquelles ne le sont pas., Par exemple, voici ce qu’il avait à dire sur la question controversée des sources confidentielles:
« Il peut être responsable de s’appuyer sur des sources confidentielles, selon les circonstances; un défendeur peut à juste titre ne pas vouloir ou ne pas être en mesure de révéler une source pour faire avancer la défense. D’un autre côté, il n’est pas difficile de voir comment la publication d’insultes provenant de « sources » non identifiées pourrait, selon les circonstances, être irresponsable.” (Para. 115, Grant c. Torstar).,
Il s’agit d’une déclaration révolutionnaire du plus haut tribunal du Canada selon laquelle le recours à des sources confidentielles pourrait être une pratique journalistique appropriée. À ce jour, les journalistes n’ont bénéficié d’aucune protection judiciaire substantielle lorsqu’il s’agit de refuser de révéler leurs sources. Certains procès ont été perdus en conséquence, et dans certains cas, des journalistes ont été emprisonnés pour avoir refusé de révéler leurs sources. Mais il n’y a toujours pas de certitude ici. La cour se réserve le droit de trancher cette question « en fonction des circonstances”, ce qui est ce que beaucoup de questions d’éthique journalistique ont tendance à tourner autour.,
Pourtant, je crois qu’un ensemble de normes articulées est bien meilleur — et à la lumière de la décision de la Cour suprême, maintenant beaucoup plus cruciale — que rien du tout. Il permet aux lecteurs et aux téléspectateurs de voir quelle est la pensée de l’organisation de nouvelles en matière de méthodologie journalistique. Il protège contre la prise de décision arbitraire, et il donne aux gens une base pour se plaindre s’ils estiment que l’organisation a dépassé ses limites.,
Qu’un code officiel existe ou non, je crois que chaque organisation de presse devrait utiliser la décision de la Cour suprême comme une occasion d’élargir le débat sur les méthodes et les pratiques. Le grand public doit être attiré dans la discussion. Et il doit y avoir des moyens de tenir les journalistes et leurs organisations responsables à la fois de leurs directives et de la manière dont les journalistes mettent ces pratiques en œuvre au quotidien.
De nombreuses organisations de presse ont vu leur crédibilité chuter ces dernières années, car les gens se lassent des méthodes journalistiques qu’ils ne comprennent pas ou ne font pas confiance., Lorsque les rédacteurs en chef ou les directeurs de nouvelles prennent des décisions arbitraires sur les pratiques de collecte de nouvelles, ou sont vagues sur l’explication de leur raison d’être, cela ne fait qu’ajouter à la méfiance. Une discussion libre, inclusive, continue et transparente serait un développement sain.